Des vestiges d'anciennes verreries se trouvent sur le territoire de Chapelle-des-Bois, à Nondance et à Combe-des-Cives. Il n'en reste que très peu de choses : quelques mouvements du terrain suggérant une ancienne occupation humaine, quelques débris, et surtout l'appellation “verrières” figurant à l'ancien cadastre ou conservée par la mémoire populaire. Elles se trouvent dans des lieux éloignés, et on a quelque peine à imaginer qu'une activité industrielle, même primitive, ait pu s'y exercer. Des verreries ont pourtant bien été exploitées dans ces lieux au cours de la première moitié du 18ème siècle. L?industrie du verre est une industrie du feu et, au 18ème siècle, l'énergie c'est le bois. Il reste à cette époque d?importants domaines forestiers dans le HautDoubs. Des verriers itinérants s'y installent, puis repartent ailleurs, quelques dizaines d'années plus tard, lorsque le bois vient à manquer. Qui étaient les verriers de Chapelle-des-Bois ? D'où venaient-ils et que sont-ils devenus par la suite ? Quelles ont été leurs conditions d'installation ? Quelle a été leur production ?

LES VERRERIES DE CHAPELLE-DES-BOIS au XVIIIème siècle

Jean-Marie BOURGEOIS

 

Parmi les ouvrages publiés, deux concernent particulièrement les verreries itinérantes de Franche-Comté et ils sont repris dans une large mesure dans la présente note. Les auteurs sont venus à Chapelle-des-Bois pour visiter les sites et recueillir des informations. Il s'agit de : André Seurre : “La verrerie en Franche-Comté”, Imp. Jacques et Demontrond, 1972. Guy-Jean Michel : “Verriers et verreries en Franche-Comté, ERTI, collection Recherches, 1989.

 

La fabrication du verre :

André SEURRE1, ancien peintre verrier, décrit comme suit la fabrication du verre : “Le verre est un corps bien spécial composé d?un élément de base qui est presque toujours la silice, c'est à dire le sable. La fusion du sable qui donne le verre, s'obtient à une température moins haute en ajoutant un fondant au sable. Les principaux fondants sont la soude, sous la forme de carbonate, de sulfate ou de nitrate. La potasse, qui fut très longtemps la cendre de fougère, la chaux (calcaire) et enfin le minium ou oxyde de plomb, employé à la fabrication de cristal ou flint-glass.

“Afin d'éviter les défauts ou accidents de fabrication, il est indispensable de bien proportionner le dosage des différents produits. Liquéfié par la fusion, avant de se solidifier, le verre passe à l'état visqueux. C'est à ce moment, aux environs de 800° , que le verrier travaille, souffle, coupe la fritte pour obtenir les objets et leur donner les formes désirées. “Le refroidissement, appelé “recuisson”, doit s'effectuer d'une façon très précise et étudiée ; s'il se fait trop rapide, le verre se met en tension et se brise en mille parcelles au moindre choc ; s'il se fait trop lent, le verre se cristallise et perd sa transparence, c'est l'accident si redouté des verriers, c'est la dévitrification. Pour parer à tous ces inconvénients, on relâche la tension du verre après fabrication en recuisant judicieusement les objets de verre, c'est à dire en réglant le refroidissement.”

 

Les sites de verreries à Chapelle-des-Bois

A Chapelle-des-Bois, c'est bien évidemment l'abondance de bois qui a déterminé des verriers à s'installer. On y trouve aussi du sable, mais très marneux et vraisemblablement impropre, en l'état, à la production du verre. Les verriers l'utilisaient-ils après lavage ou en faisaient-ils venir d'ailleurs ? On ne le sait pas. Il y avait en outre des obstacles à l'installation de verreries, et en premier lieu le manque d'eau. Il en fallait beaucoup tant pour l'activité que pour les usages domestiques, et il n'y en avait ni à Nondance, ni sur le Risoux. Autre difficulté : les voies de communications. Les chemins étaient très mauvais pour arriver au village et inexistants au coeur des massifs forestiers. Pour les verriers, l'opportunité de réaliser des coupes de bois importantes était déterminante, et pour le choix d'une nouvelle implantation, elle passait avant tout autres considérations. D'après l'abbé Bourgeois, la plus ancienne verrerie est celle de Christophe Verny (ou Verniory) à Nondance, qui aurait été petite et qui n'aurait produit que pendant quelques années. Après la mort de Verny en 1708, la maison aurait été abandonnée et n'aurait pas tardé à tomber en ruines. Le registre paroissial des sépultures de Chapelle-des-Bois mentionne effectivement son décès en juin 1708. Ce Christophe Verniory venait de la verrerie de Tournedoz à Lanthenans (Doubs). On apprend par le registre des baptêmes de cette paroisse que le couple Christophe Verniory-Madeleine Bichon (ou Robischung), “de la verrerie”, ont eu trois naissances, la 1ère en 1698 et la dernière le 18 novembre 1704, et qu'ils venaient de “Germanie”. En fait, Guillaume, le père de Christophe, était originaire de Tramelan dans le canton de Berne, mais il avait été verrier dans la Forêt Noire. Ce premier établissement de Nondance n'a-t-il fonctionné que moins de 4 années, période d'installation comprise, ou Christophe Verniory n'y venait-il qu?avec quelques compagnons, sans sa famille, et n'y passait-il qu'une partie de l?année ? La verrerie ne sera pas reprise après son décès, soit qu'il ait eu un problème technique, soit qu'il y ait eu une autre difficulté, par exemple l'existence de dettes empêchant une cession. Le second établissement, plus important, est situé à Nondance, ou plus précisément “Sur le Tertre d'Annondance”, comme l?indique l'abbé Bourgeois, sur la même propriété que le précédent, appartenant alors au sieur Michaud. Il est le fait de frères Schmid (alias Chemit, Faivre ou Fèvre)6, d?ailleurs apparentés ou alliés à la famille Verniory. Les vestiges en sont encore parfaitement visibles. G.-J. Michel pense que cette verrerie a été établie en 1706 et qu?elle a commencé à fonctionner en 1708. Il indique que : “Ce fut une entreprise quasi familiale : associés à Christophe Verniory, Henri Schmid et les trois frères, Melchior, Gaspard et Jacques, fils de Jean Schmid, font en effet rouler la verrerie”. Les Schmid viennent de La Caborde, paroisse de Fessevillers (Doubs).” Deux autres sites ont existé à Combe-des-Cives, sur une propriété appartenant alors au sieur Blondeau. L'abbé Bourgeois décrit ainsi un emplacement situé en bas de la côte du Risoux : “A 300 m à l'Est de la maison n° 9, on remarque encore les vestiges d'anciennes constructions qui, selon toute apparence, auraient servi de verrerie et de poterie ; on voit des pans de murailles, des traces d'anciens puits, des amas de terre noirâtre, dans laquelle on retrouve de nombreux fragments de verres et de terres cuites“.

L'autre emplacement est situé sur le massif du Risoux, dans la propriété actuellement appelée “Le Cardot”, où on peut encore voir quelques vestiges. Ces verreries paraissent avoir été exploitées par les mêmes verriers à la suite de celle de Nondance.

L'activité verrière à Chapelle-des-Bois ne dura qu'une quarantaine d?années. Le subdélégué de Pontarlier indique que toute activité a cessé un peu avant 1744 par manque de bois. En ce qui concerne le lieudit des Verrières au-dessus du Pré Poncet, G.-J. Michel estime qu'il doit s?agir d'une exploitation beaucoup plus ancienne, dont on ne sait rien. Il écrit : “Le lieudit <> sur le flanc occidental du Risoux, atteste l'existence (...) d'une verrerie antérieure au XVIIIe siècle. Peut être était-elle en relation avec les établissements implantés aux XVIe et XVIIe siècle sur le versant vaudois, dans le Val de Joux.

 

extrait des ouvrages

André Seurre : “La verrerie en Franche-Comté”, Imp. Jacques et Demontrond, 1972.

Guy-Jean Michel : “Verriers et verreries en Franche-Comté, ERTI, collection Recherches, 1989.

Abbé Léonas Bourgeois-Moine “Recherches sur Chapelle-des-Bois”, manuscrit, 1898

 

Notes: L?orthographe des noms, tel qu?il apparaît dans les registres de catholicité, variait au gré des lieux et des curés, qui n?hésitaient pas à les franciser. Les noms “Schmid” et “Faivre” désignent les mêmes personnes et sont employés indifféremment.