La souveraineté de Savoie s’étend jusqu’à l’Etroit de Mijoux en 1518 et cela va provoquer des contestations que nous lirons dans les artciles suivants.
Cahier N° 49 du 3 décembre 1905 page
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Le 9mars 1518, Jenet, de Megevete, dit Gavochon, habitantde Nyon,
s’était livré sur la personne de Jacques Gros, autre marchand de Nyon, à
graves violences, au lieu dit Etroit de Mijoux.
Michel Quisard, procureur ducal de Charles de Savoie, fit citer
Jenet devant Jacques Moenoz, lieutenant de la châtellenie de Nyon.
Le procureur dit "être vrai que le mardi passé 9 dudit mois de
mars, ledit Jean Jenet se trouva au Mont sur Nyon et sur St Cierges du Jura
en çà de l’Etroit de Mijoz entre le dit Etroit de Mijoz et le bye de la Chaillye, (2)
à savoir au lieu où ceux de Saint Musel (3) et de Lonchaumey ont fait certains
cerneys (4) et détruit la joux (5) et dans ces cerneys ledit Jean Jenet avec propos""
injurieux et malicieux vint conte Jacques Gros, habitant dudit Nyon, l’épée
dégainée et l’en frapper jusqu’à effusion de sang et l’empoigna par les cheveux
à deux mains le jetta à terre et le frappe tellement que si certains qui se
trouvaient là ne s’y étaient opposés, à ce qu’on croit il l’aurait laissé pour
mort.
A cause de quoi ledit procureur demande qu’il soit comme agresseur
de grand chemin, condamné à proportion de la connaissance qui en aura été
faite. Et si ledit Jenet voulait nier avoir fait ces choses en ce lieu et rière (sur)
la souveraineté et juridiction de notre dit seigneur le Duc et nier aussi
que la juridiction appartienne à notre seigneur le Duc dans ledit Etroit
de Mijox en çà dans les dites joux, le dit procureur s’offre à le prouver
selon forme de coutume en produisant les témoins sous nommés qu’il
demande être assignés et interrogés là-dessus en vue de vérification des
prédites."
Jean Jenet répond "qu’il n’avait pas fait les choses susdites
c’est à dire qu’il n’avait pas frappé le dit Gros et qu’il ignorait que ce
le où ils eurent des propos, soit rière la souveraineté et juridiction
dudit Duc."
Le lieutenant de la châtellenie assigna les témoins désignés par
le procureur du Duc. "Ils prêtèrent serment sur les saints évangiles de
dire et de déposer la vérité qu’ils sauraient sur ces choses en rejetant
prière, prix d’argent, colère, haine, rancune, amour, faveur, amitié,
inimitié, crainte, subornation."
" Premièrement Nicolas Collombi d’Aysins dit et dépose que le
dit mardi il se trouva avec Berthod Brigand d’Aysins, sur le mont
au-dessus de St Cierge dans le chemin qui mène de St Claude près du
Bye de la Chaillye, et tout en allant il entendit les dits Jenet et Gros
parler ensemble et lorsqu’eux furent près de ceux-là, lui témoin entendit
que Jenet et Gros tenaient des propos méchants et injurieux et entre autres
Gros dit à Jenet :"Tu mens". Alors Jenet dégaina sa rapière et vint
sur ledit Gros et lui en donna par la tête tellement que du coup Gros
tomba et tandis qu’il était par terre ledit Jenet voulait le frapper de
nouveau, mais lui témoin avec Brigand s’approchèrent en hâte et
le détournérent de façon qu’il ne frappa plus ledit Jacques. Interrogé
dans quel lieu ce fut il répondit: Près de la fontaine dite Prangins (6)
en çà de l’Etroit de Mijoz. Interrogé si alors ledit Jean versa le sang dudit
Jacques le témoin dit qu’il l’ignore. Interrogé si ce lieu et rière la juridic-
tion de notre seigneur le Duc, il l’ignore parce qu’il a peu fréquenté cette
montagne et il ne sait rien dire d’autre."
Berthod Brigand dépose comme Collombi.
Jacques Mariglei de Trélex, de l’âge de cent un ans, se souvenant
de 80, si ce n’est davantage dépose qu’il ne sait rien du coup donné par le
dit Jenet mais quant à la juridiction de notre seigneur le Duc, il dit qu’il
a vu et fut présenté une fois, il y a environ 80 ans, (8) lorsqu’il était jeune et
allait avec les hommes de ce pays qu’il y eut un litige au sujet de cette sei-
gneurie entre les officiers du Duc et ses sujets d’une part et les officiers et
sujets de Bourgogne, de l’autre. Et avec les officiers ducaux, se trouvèrent
plusieurs personnes de Nyon, Morges et Aubonne entre plusieurs de la Bour-
gogne à l’Etroit de Mijoz où alors il y eut des propos entr’eux au sujet de
la seigneurie.
Il fut alors arrêté ainsi: dans l’Etroit, même du côté d’en çà
on mit une croix blanche et telle usance demeura dès lors en vigueur au
sujet de la juridiction comme on l’a vu souvent. Interrogé comment il sait
ce qu’il a déposé il dit qu’il a été présent et a entendu ce que dessus. In-
terrogé comment il sait que cette usance est demeurée telle dès lors, il répond
qu’il a chassé souvent dans cette montagne et dans ces joux avec d’autres
et lorsqu’ils prenaient du gibier en çà de l’Etroit de Mijoz, ils apportaient
et rendaient toujours le droit de seigneurie à notre seigneur le Duc aux
mains de son châtelain de Nyon. Et qu’il y a 50 ans environ que lui témoin
et d’autres prirent dans cette montagne en çà de l’Etrey (l’Etroit)
et derrière la Doulaz (Dole) deux cerfs dont ils remirent le droit sei-
gneurial à notre seigneur le Duc, soit à Jean d’Usier alors châtelain
dudit lieu. Et il a vu de sa souvenance les sujets ducaux de ce pays de
Vaud aller et user desdites joux paisiblement tant en faisant du bois
qu’en paissant les bêtes de ceux qui avaient leur fruitière en çà de l’Etroit
mouvantes du Duc au vu de ceux de St Cierges (1) et sans conteste de la part
du châtelain dudit lieu. Interrogé par quels lieux rend la juridiction ducale
de Savoie, il dit qu’elle tend dès l’Etroit de Mijoz à la rRoche Berlenche
(dénomination disparue , dans le Massacre sans doute) en çà contre le lac
de Genève.
Interrogé si, de son temps, en çà, il a vu ceux de Saint Mucel
ou de Lonchaumey réclamer quoi que ce soit en çà dudit Etroit jusqu’au
Bye de la Chaillye, il dit que non quoiqu’il y ait été berger et y ait fait
du bois. Et il fut aussi une autre fois avec plusieurs prud’hommes convoqués
par Jean d’Usier alors châtelain de Nyon, il y a quarante ans, et Jean de
Gland clerc de la cour de Nyon pour certains détrousseurs qui avaient dé-
troussé en çà dudit Etroit et qu’ils voulaient saisir. Et il fut dit alors par
tous ceux qui se trouvaient là que la dite juridiction s’étendait comme dessus
de l’Etroit à la Roche Berlenche. Et que le lieu desdits cerneys, comme on
dit près de la fontaine Prengins et le Romallet (2) et contre l’Etroit de Mijoz
et le bye de la Chaillye est rière la seigneurie et juridiction de notre sei-
gneur le Duc comme l’a toujours vu ledit témoin. Interrogé si ceux de
Saint Mucel et de Longchaumey avaient quelques granges et s’ils pâturaient
leurs bêtes dès ledit Etroit en çà, dit que non au moins de ce qu’il a vu
jamais.
Autres témoins cités :
Nicod David de Givrins (291)
Claude fils de feu Etienne Martin de Givrins (293)
L’affaire se poursuit sur le N° 50, 51 du 10 et 17 décembre 1905 avec la déposition des témoins cités, ci dessous. Les dépositions reprennent peu ou prou les mêmes termes. J’ai seulement noté les noms des témoins.
Pierre fils de feu Etienne Bertier dit Brocard de Genollier (295)
François Delavaux de Givrins (296)
Etienne Bergier de Givrins (298)
Pierre de L’Estraux de Givrins (299)
Guillaume Guibert dit Cordey de Cheserex
Claude Bouvier de Cheserex
Henri Pinget de Trélex
Jean de Bogiez dit Gaillard de Cheserex
.../….
discret P. Michaud dit Qyesins, fils de feu Henri Queysin de Trélex, notaire (301)
Pierre de Montillez dit Genod dépose comme le témoin précédent
Claude dela Loÿe de Trélex dépose comme le témoin précédent
.../... (303)
La cour ( ) composée de nobles Pierre et Maurice de Chatillon
frères, Jean Fabri de Begnins, et des provides Jacques de Biollay,
P. de Gland, Humbert Johandot, Claude Reverchon, Pierre
Besson et Jacques de Bugnan, reconnaît les faits reprochés à Jean
Jenet et le condamne à une amende de 60 sous.
Note :
(1) Extrait du dossier de la procédure Archives de Lausanne. Copié et collationné par
M. Alfred Millioud, aide archiviste aux archives cantonales.
(2) on retrouve ici la prononciation patoise de Bief de la Chaille.
(3) Septmoncel.
(4) cernois, enclos.
(5) joux, forêt.
(6) On raconte à Prémanon, que l’auge de Prangins porte ce nom parce que, autrefois,
on croyait l’eau mauvaise : "N’in prin dgin, disait on en patois. N’en prends point"
(7) Ceux de St Cergues étaient sujets de l’abbaye de St Oyend. L’abbé avait à St Cergues
son châtelain, c’est à dire son officier de police.
(8) Si le centenaire n’est pas trompé par ses souvenirs, cette délimitation
se faisait vers 1440.
(9) Le Remualet non loin et au sud des Jacobez actuellement propriété de Mlle Raddaz.
Note :
le terme rière doit être pris dans le sens , sur, dans
Le pré de Cort était entre la Dole et les Tuffes
le Poyet, montée des Cressonnières à l’entrée du col de St Cergues. On l’appelait Poyet
de Longchaumey parce que c’était le chemin de Longchaumois.
le prés des Meules de la fruitière de Trélex est certainement la Trélasse d’aujourd’hui
qui appartient encore à Trélex. Près de la Trélasse est l’arête nommée Finchateau, qui,
selon la déposition de Pinget , était la limite de l’autorité du château de St Cergues
et par conséquent de celle de l’abbé seigneur de St Claude.
Entre le pré des Cort et les Mollies, serait ce entre le chalet des Dappes (où nous plaçons
pré de Cort et la gouille de la Givrine)