Variations sur le thème du Haut Jura

Les registres de Morbier – Premier acte

Les registres paroissiaux de Morbier sont, comme le savent tous les utilisateurs des relevés du G2HJ, une mine d’informations sur les familles du
Haut Jura. En plus de contenir les plus anciens actes d’ « état civil » de la Terre de Saint-Claude (les baptêmes commencent en 1560), ils traitent des habitants de beaucoup de paroisses et non seulement ceux de Morbier. Nous y trouvons des parents, parrains et marraines de Bellefontaine, Les Rousses, Longchaumois, La Mouille, La Rixouse, Lézat, le Grandvaux, Bois-d’Amont, Septmoncel et même Chaux-Neuve et Saint-Claude, sans parler des Savoyards qui se sont installés dans la région, ainsi que beaucoup d’autres.

Les registres eux-mêmes se trouvent toujours à Morbier, dans une armoire métallique à la mairie. Malheureusement pour tous les amateurs de vieux
papiers, les registres devenus trop fragiles ne sont plus consultables. Des microfilms (dans les séries 1Mi et 5Mi aux Archives Départementales du Jura)
et les photos du G2HJ les ont remplacés pour servir à nos recherches.

Cela fait plusieurs années, pourtant, que le contenu des registres est connu bien au-delà de la ville de Morbier et ceci sans l’effort de se rendre aux
Archives à Montmorot. Tout au début de mes recherches sur le Haut-Jura, j’ai trouvé sur des sites Internet des baptêmes, mariages et décès de Morbier,
sans soupçonner qu’un jour, je ferais la connaissance du monsieur passionné qui en était responsable. C’est un ancien secrétaire de mairie de Morbier, feu
Paul Bailly Basin, à qui nous sommes redevables. C’est lui qui a relevé en entier les noms des enfants, parents, nouveaux époux et défunts des années 1560 à 1792 pour les registres et de 1793 à 1904 pour l’état civil. Le travail est impressionnant. Une version imprimée de ses relevés se trouve pour
consultation à la mairie de Morbier et Paul a aussi distribué gratuitement des CD avec les relevés en format MS Word à tous ceux qui s’y intéressaient.
C’est en 2004 que je me suis rendue (avec mon mari René et cousine Nicole Millet) chez Paul et sa femme Odette à Morbier. Odette nous a offert le café et Paul nous a fait cadeau d’exemplaires de son CD des relevés. Plus tard, j’en ai fait des copies pour le Centre d’Entraide Généalogique de Franche-Comté (CEGFC, en 2006) et le G2HJ (en 2008) où les responsables ont ajouté le contenu à leurs sites GeneaBank (CEGFC) et Relevés en ligne (G2HJ).

Les registres de Morbier – Acte seconde

Ainsi, grâce à l’ancien secrétaire de mairie Paul Bailly Basin, nous avons déjà depuis de nombreuses années accès sur Internet aux relevés des registres paroissiaux et d’état civil de Morbier. Un travail monumental ! Il y manquait, pourtant, des éléments importants : les noms des parrain, marraine et témoins.

C’est pour combler ce manque que je me suis proposée en 2010 de faire une nouvelle série de relevés des registres de Morbier pour le G2HJ, mon premier projet de ce genre. Pour les faire, il fallait avoir des images des actes. Le G2HJ commençait à cette époque-là à numériser les registres des paroisses du Haut Jura. Nos bénévoles se sont rendus à la mairie de Morbier et tous les registres y ont passé. C’était pour ces personnes aussi un travail inédit et il a fallu plusieurs versions des images sur plusieurs CDs pour en arriver à une série facilement utilisable. De mon côté, c’était toute une méthode de travail qu’il fallait établir, en plus d’apprendre à me servir de Nimègue, sans parler de m’initier à l’écriture du 16e siècle. Rien d’étonnant, alors, que cela a demandé de mars 2010 à décembre 2011 pour présenter mes premiers relevés à Alain C Paget, 171 actes de baptême de 1560 à 1574. Heureusement les premiers pas étaient les plus difficiles et j’en suis maintenant (en janvier 2016) à l’année 1691 pour les baptêmes, 1713 pour les mariages et 1693 pour les sépultures. À noter qu’il y a une lacune dans les registres des baptêmes entre 1590 et 1607.

(À noter aussi que, lorsque je ne suis pas parvenue à déchiffrer un nom ou une date, je me suis fiée au relevé de PBB qui, après tout, travaillait à partir des
registres eux-mêmes. J’ai remarqué aussi la rare erreur, manquement ou autre dans ses relevés. Il avait en plus la tendance de « rectifier » souvent l’orthographe d’un patronyme qui n’avait pas une forme standard, à remplacer par LAMY les LAMIER ou LAMIET, par exemple.). Il n’y a pas que le G2HJ qui en profite. Depuis le début et sur les conseils d’ACP, j’envoie les résultats de mon travail aussi à Roger Valeyre du CEGFC qui les ajoute à GeneaBank.

Ce n’est pas le tout de refaire ce qui a déjà été fait. Que deviennent les anciens relevés, ceux de Paul Bailly Basin ? Dans GeneaBank les relevés de PBB sont remplacés au fur et à mesure par les nouveaux, plus complets. Pour les années 1560 à 1590, il y a en plus une série de relevés faits par J-L Crolet à partir des microfilms aux Archives Départementales. Dans les Relevés en ligne du G2HJ les deux séries ancienne et récente se côtoient. ACP m’informe que dès que l’ensemble des registres de Morbier sera relevé de nouveau, les nouvelles versions remplaceront les anciennes.

Cyricus/Cyrica, Anthonia et les autres : Comment s’appelaient-ils dans la vie
de tous les jours ?

Présentation

Alors, Anthonia, Guillerma, Claudia, Estienna, Jacquoba, Petrea, etc. ? Lorsque c’était l’heure de passer à table et les enfants jouaient dehors, comment leurs mamans les appelaient-elles pour venir manger ?
Jusqu’à aujourd’hui, je n’ai pas rencontré de règles pour traduire certains prénoms latins. À moins de trouver pour la même personne son prénom en latin et en français, on reste avec des incertitudes. Des cas peuvent pourtant se dénicher dans des documents en français de la même époque que ceux en latin.

Ciricus et Cirica

Que faire de tous les Ciricus, Cyricus, Cirica et Cyrica qu’on trouve dans les vieux actes de baptême ? Dans ses relevés des actes paroissiaux de Morbier, Paul Bailly Basin les traduisait par « Cergue » et « Cerga ».

Un exemple : Cirica CAPTENO qui a épousé Pierre GIROD dit A DADO à Morbier le 15 juin 1625 s’appelait Cyrica CATHENO dans l’acte de baptême de son fils Jacques le 31 décembre 1640 à Morbier. Elle était bien l’épouse de Pierre GIROD. Et on l’identifiait comme Cilla CATHENOZ, épouse de Pierre GIROD A DADOZ et mère de Jacques, dans le Dénombrement de 1659, dont des relevés ont été publiés dans Les Habitants de la Terre de Saint-Claude de Bertrand GUYOT.

Une autre Cirica, BENOIT CAPTENOZ cette fois, épouse de Pierre GYROD dit A LOY et mère de Joseph qui a été baptisé le 26 janvier 1665 à Morbier, s’appelait Cilla CATHENOZ dans le même dénombrement que dessus. Elle était toujours l’épouse de Petit Pierre GIROD A PETIT LOUYS.
Quant à Ciricus MOREL SEIPTOU, fils de Jacques, il a épousé Claudine GIRARD le 3 mars 1647 à Morbier. Dans l’acte de baptême du 8 octobre 1649 de sa fille Denise, il s’appelait toujours Ciricus et était toujours l’époux de Claudine GIRARD. Par contre, dans le Dénombrement de 1659, on appelle Cille le fils de Jacques MOREL SEYTOUX.

Sources pour interpréter Ciricus/Cyricus comme Cille ou Cile (et leurs versions féminines)

« Cile étant un prénom local dérivé de Cyr » est une phrase qu’on lit dans l’article « Patronymes multiples et surnoms dans le Haut-Jura : bilan d’une collecte » dans la revue annuelle des Amis du Vieux Saint-Claude No 35, page 64.

Du courriel du 13 mai 2013 de Bertrand Guyot : « Cir, Cyr, Cille, toujours des variantes orthographiques (et leur version latine et les versions féminines) d’un même prénom : Cyr (beaucoup de St-Cyr en France). La forme Cille, Cilla est plus locale, mais correspond à un affaiblissement classique du  » r  » en
 » l « . Par exemple, on rencontre fréquemment Bermont/Belmont… Personnellement, je ne vois pas le rapport avec Cergues ».

Anthonia/Antonia

Claudine Antoine PAGET femme de Cille ROMANET, est nommé dans le testament en français de Claude PAGET le Jeune. Dans le même testament, nous trouvons aussi une nommée Antonia PAGET.

Dans le cas d’Anthonia/Antonia, le curé de Sirod (39) cite, dans ses actes en français, des Jeanne Antoine, Clauda Antoine et Antoinette. Sur les rôles de taille (en français) de Longchaumois, nous voyons à plusieurs reprises la veuve Anthoyna MALFROY.
Pour les Claudia et Anthonia (et variantes) nous ne trouvons donc pas une correspondance régulière entre le latin et le français.

Claudia, Clauda, Claudine

Dans plusieurs actes des registres de Morbier, toujours en latin à l’époque, nous rencontrons Claudia PAGET, épouse d’Antonius REVERCHON. Le premier acte la concernant est le baptême d’une fille le 2 novembre 1609.

Dans les actes de Morbier, on l’appelle toujours Claudia. Par contre, dans un acte de vente en français signé aux Rousses le 11 novembre 1622, cette femme d’Antoine REVERCHON est prénommée Clauda.

Une autre Claudia PAGET, épouse de Petrus JACQUEMIN GUILLAUME, porte ce prénom lors du baptême, écrit en latin, d’une de ses filles à Longchaumois le 29 juin 1667. Dans le testament en français du 24 avril 1667 de son père Claude PAGET on lui donne toutefois le prénom Clauda.

Toutes les Claudia en latin ne sont pourtant pas forcément des Clauda en français.

Claudia Maria THEVENIN et Stephanus REVERCHON A MONIER étaient parents de Joanna Maria baptisée le 1e septembre 1695 à Morbier. Le 12 octobre 1699 l’acte de baptême de Joanna Claudina appelle les parents toujours Claudia Maria TEVENIN et Stephanus REVERCHON dit A MONNIER. Lorsque Claude Joseph est baptisé le 21 juin 1706 à Longchaumois par contre, dans l’acte en français les parents sont devenus Marie Claudine THEVENIN et Etienne REVERCHON MUNIER.

Etiennette ou Stéphana

Etiennette PAGET était la fille célibataire de feu Claude PAGET le Jeune de Longchaumois selon le testament du 9 décembre 1669 de son père. Le testament est en français.

Dix ans plus tard, Stephana PAGET et Nicolaus MOREL A L’HUISSIER font baptiser leur fille Maria Theresia dans l’église de Morbier.

Estiennette REVERCHON habitant Longchaumois en janvier 1659 était l’épouse de Denis COLIN et la mère de Claud’Antoine et Jean François selon le Dénombrement de 1659 dont les relevés ont été publiés dans Les Habitants de la Terre de Saint-Claude au XVIIe siècle de Bertrand GUYOT. Le dénombrement est en français.

Stéphana REVERCHON était l’épouse de Dionisius COLIN et mère de Stéphanus baptisé à Longchaumois le 12
septembre 1660.

Guillerma

A Morbier nous trouvons couramment en latin le prénom masculin Guillermus, à tout évidence l’équivalent de Guillaume. En 1642 a été baptisée Claudia, fille d’un père dont le nom était A LA GUILLAUMA. J’en déduis que, comme Guillermus égale Guillaume, Guillerma égale Guillauma. Nous voyons d’ailleurs des Guillauma dans les registres, en français, de Sirod.

Alors, les Anthonia, Guillerma, Claudia, Estienna, Jacquoba, Petrea, etc. ? Lorsque c’était l’heure de passer à table et les enfants jouaient dehors, comment leurs mamans les appelaient-elles pour venir à table ?

Jusqu’à aujourd’hui je n’ai pas rencontré de règles pour traduire les prénoms latins. A moins de trouver pour la même personne son prénom en latin et en français, on reste avec des incertitudes.

Des cas peuvent pourtant se dénicher dans des documents en français de la même époque que ceux en latin.
Celle-ci est la troisième partie de la série et c’est le tour des….

Petronilla, Petrea, Petreia, Petra, Pirrotta, Pierrota : Toutes des Pierrotte ou bien Pernette

Parmi les enfants d’Othenin REVERCHON, notaire de Longchaumois mort en 1667, nous trouvons une Pierrotte dans le testament1, en français, du père. Dans d’autres documents en français nous retrouvons cette même fille appelée Pierrotte pareil. Dans des actes en latin, par contre, les curés font preuve d’assez d’inventivité, appelant la même personne, selon l’acte, Petronilla, Petrea, Petreia ou Petra.

La femme de Pierre François REVERCHON et mère de Marie Thérèse REVERCHON qui a demandé une dispense de consanguinité2 en 1746, s’appelait, selon le procès verbal en français, Pierrotte HUGUE.

Le procès verbal de la demande contient des extraits des actes de baptême des suppliants. Dans l’extrait en français de l’acte de baptême de Marie Thérèse la mère de l’enfant se prénomme Pierrotte HUGUE. Par contre dans l’acte de baptême lui-même, en latin, on appelle la mère Petrea HUGUES.

Dans l’acte de baptême en latin de la fille (née et baptisée à Longchaumois le 24 mai 1722) de Claude Joseph REVERCHON BONHOMME et de Françoise LABOURIER on appelle l’enfant Pirrotta. Sa marraine était cette même Pierrotte HUGUE que dessus, appelée cette fois Pierrotta.

Mais une Petronilla en latin pouvait dans la vie s’appeler Pernette : Dans le contrôle des actes des notaires de Poligny se trouve le contrat de mariage3 de François REVERCHON avec Pernette BAILLY de Fay dressé chez Me LOUISOT de Poligny. Dans l’acte de mariage4 en latin du 17 février 1697 dans les registres de Longchaumois la femme originaire de Fay de François REVERCHON s’appelle Petronilla BAILLIS.

Pour aller plus loin

Pour ceux qui s’intéressent au sujet des prénoms jurassiens je signale l’article dans le Bulletin No 33 des Amis du Vieux Saint-Claude , « Claude, Marie, Désiré et les autres : à l’origine des prénoms dans le Jura » de Paul Delsalle. (Me contacter.)

  1. AD du Jura, cote 8B31, la Grande Judicature. ↩︎
  2. AD du Jura, cote 3G026, pages 0048 à 0056 ↩︎
  3. Site Internet des AD du Jura, cote 2C1737, élément 10. Dans les contrôles tout est en français ↩︎
  4. Site Internet des AD du Jura, cote 5E73/p6-p9, élément 51 ↩︎

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